Ce matin-là, Aaron avait décidé de s’adonner à une sorte de petit rituel qu’il s’était imposé depuis quelques semaines : partir dans la forêt, la nature, la guitare au dos, marcher sur les feuilles mortes au milieu des troncs. Oh, il savait que de nombreux animaux vivaient dans les bois, que ce soit des biches, des hérissons, des renards ou, plus dangereux, des loups et des sangliers. Mais, têtu, il s’obstinait à y aller seul, convaincu que la musique de sa guitare suffirait à repousser les bestioles, surtout en plein jour. Néanmoins, passé outre le côté complètement inconscient de la chose, il trouvait que ces balades solitaires dans la nature étaient une opportunité pour chercher l’inspiration. Qu’il n’avait jamais d’ailleurs. Il avait essayé pas mal de choses pour essayer d’avoir une vague illumination sur une création originale et efficace mais rien ne venait jamais, et il espérait que Mère Nature lui donne ce qu’il cherchait en vain depuis plusieurs mois maintenant. Car il ne pouvait continuer dans la piste plutôt illégale dans laquelle il s’était engagé. Mais qu’importe. Il continuait sa petite randonnée, ayant abandonné sa voiture sur le bord de la route et avança jusqu’à trouver la rivière. Il s’assit alors sur un rocher humide.

Avant qu’il n’eût le temps de sortir sa guitare pour descendre quelques arpèges, un grognement sourd et bestial retentit dans les fougères. Aaron se leva rapidement, manquant de glisser sur son caillou, et essaya de chercher la bestiole du regard. A part sa guitare, il n’avait pas grand-chose sur lui, hormis ses clefs et son téléphone. Mais se battre contre un loup à coups de clefs n’était sûrement pas la solution la plus raisonnée. Rien que le fait de se battre contre le canidé n’était pas une pensée sensée. Cependant, il n’eut pas l’impression que le grognement venait dans sa direction. Il entendit alors les fougères mortes bruissaient doucement à quelques mètres de lui. Il avait l’impression que c’était trop grand pour être un loup. L’idée que ce soit un ours lui vint en tête, mais il ne devait pas céder à la panique. Il analysa les solutions qui se présentaient à lui. Il avait sa voiture à 200 mètres à peu près. Mais le terrain rendait la progression plus difficile que sur une route dégagée. Et sinon, il avait la rivière. Mais l’eau était sûrement glaciale et de toute façon, un ours sait nager. Préférant jouer la sécurité plutôt que les héros inconscients, il opta pour retourner à la voiture et changer d’endroit pour sa balade, repartant en direction du chemin dégagé duquel il s’était éloigné.

Il commença à faire le chemin inverse, avant que le bruit dans les fougères ne semble se rapprocher dangereusement de lui. Pourtant, il le devait rejoindre le chemin. De là, la progression serait plus facile et la visibilité bien meilleure. Progresser dans fougères était un coup à se prendre les pieds dans une racine. Il pressa pas et manqua de rentrer dans un tronc. Non. Un jeune ours. Non plus. Un homme. Aaron l’esquiva au dernier moment, semblant surgir d’entre les troncs. L’inconnu ne regardait pas devant lui et le guitariste dévia sa course in extremis. Il leva rapidement et machinalement les mains au niveau de sa tête pour éviter que ses bras ne viennent s’emmêler avec ceux de l’arrivant. Sa course stoppée nette, il s’arrêta et lança un regard par-dessus l’épaule de l’homme qui semblait visiblement être en état de fuite. C’était peut-être le loup qu’il fuyait après tout. Un nouveau grognement retentit, plus aigu et craintif que le premier. Ce n’était peut-être pas un loup après tout, mais un renard. Cependant, malgré cette interrogation sans réponse, il fit barrage à l’homme.

- Regardez où vous mettez les pieds quand même ! C’est dangereux par ici !

Il croisa les bras et regarda l’homme avec un air sévère. Il devait franchement manquer de crédibilité avec sa guitare dans le dos, rangée dans sa housse, surtout que, concrètement, c’était lui qui avait déboulé sans prévenir sur le chemin mais Aaron était trop fier pour l’avouer.